L’agroforesterie : une carte à jouer pour améliorer la résilience de votre exploitation agricole et du territoire

L'agroforesterie consiste à associer les arbres à la production agricole (culture et élevage) sur une même parcelle. Cette technique ancestrale se pratique par la plantation d’arbres ou de haies en bordure de parcelle, ou de manière intraparcellaire, c'est-à-dire en alignements entre deux rangs de culture ou au sein d’une prairie pâturée.

L'objectif est d’accroitre la résilience à l’échelle de la parcelle mais aussi du territoire. La résilience désigne la capacité d’un système vivant à pouvoir fonctionner après une perturbation (sécheresse, inondation). Cette capacité peut s’évaluer au regard de différents critères notamment la stabilité des revenus de l’agriculteur.

Le Centre international pour la recherche en agroforesterie (ICRAF) définie l’agroforesterie comme un « Système dynamique de gestion des ressources naturelles … qui intègre des arbres dans les exploitations agricoles et le paysage rural et permet ainsi de diversifier et maintenir la production afin d’améliorer les conditions sociales, économiques et environnementales … des utilisateurs de la terre ».

L’agroforesterie présente de nombreux avantages écologiques et économiques :

• une meilleure gestion de l’eau (stockage de l’eau, infiltration, moins d’érosion, épuration) et du sol (stockage, vie du sol, pouvoir filtrant…) ; en particulier, la réduction environ de moitié du ruissellement, de l’érosion hydrique des transferts d’herbicides et des pertes en nutriments
   
• une meilleure adaptation au changement climatique, notamment une meilleure résilience vis-à-vis de la sécheresse, de la chaleur mais aussi des inondations
   
• une continuité écologique et une préservation de la biodiversité du sous-sol à la cime.

LES BIENFAITS DES ARBRES INTRAPARCELLAIRES 

VIS-A-VIS DU CLIMAT

Les arbres créent un micro-climat sur la parcelle (ombre, actions brise-vent). Ils protègent les cultures (chaud, froid, tempête, inondation, sécheresse) et les animaux des excès climatiques (stress thermiques et hydriques). Ils stockent du carbone, et ce faisant contribuent sur le temps de leur vie à réduire les émissions de gaz à effet de serre.

SUR LA BIODIVERSITE
es arbres offrent de la nourriture (insectes sous l’écorce…) et structurent des habitats qui abritent une faune diversifiée (insectes, oiseaux, chauve-souris, amphibiens, etc.) nécessaire à l’agriculture (pollinisation, lutte contre les ravageurs). Ils participent aux continuités écologiques sur les territoires en offrant des habitats sur les couloirs de migration, en servant d’abris contre la prédation, en permettant la transition entre la vie aquatique et terrestre des anoures…(rainette verte, barbastelle d’Europe, perdrix rouge…).  

SUR L’EAU
Les racines des arbres captent et filtrent l’eau dans les profondeurs du sol, limitant les pollutions dans les nappes. Elles peuvent faire remonter de l’eau d’horizons profonds par le phénomène d’« ascenseur hydraulique » via les racines. Une partie de l’eau est relâchée la nuit via l’exsudation des racines. Ainsi l’eau voyage d’horizons profonds et humides vers ceux plus secs en surface. Les quantités d’eau remontées de façon passive peuvent être très élevées (14 à 33 % de l’évapotranspiration journalière, voire jusqu’à 50 ou 100 %) et jouent un rôle très important dans les écosystèmes arides. Ce phénomène peut intéresser les climats tempérés en cas de sécheresse, et peut être considéré comme un système de « bioirrigation ».
 

SUR LE SOL
La biomasse des arbres, riche en lignine, contribue à former un humus stable et fertile. Les arbres restituent de la matière organique via les feuilles qui tombent au sol et la décomposition des racines. Les racines structurent le sol, facilitant son activité biologique. La présence permanente d’arbres permet également d’augmenter l’activité biologique des sols, qui elle-même a un effet structurant et protecteur pour le sol, et d’absorber les nitrates en excès.
 

SUR L’ECONOMIE
Les racines font remonter l’eau et les minéraux des couches profondes du sol, les mettant à disposition des cultures. La matière organique restituée par les arbres améliore la fertilité du système.

LES BIENFAITS DES HAIES 

SUR L’EAU
Les haies favorisent l’infiltration lente des eaux de pluie limitant ainsi leur ruissellement. Elles rechargent la nappe avec une eau débarrassée des polluants.

SUR LE SOL
En réduisant le ruissellement, elles limitent l’érosion des sols et les risques de coulées de boue, risques qui vont s’accentuer avec les dérèglements climatiques.

SUR LA BIODIVERSITE
Les haies offrent la nourriture et structurent des habitats qui abritent une faune et une flore diversifiées nécessaires à l’agriculture. Elles contribuent au maintien d’espaces fonctionnels, en mettant en réseau des habitats qui diffèrent par leur nature. Elles permettent la libre circulation des espèces inféodées aux milieux aquatiques et humides tout au long de leur cycle de vie au sein d’une trame écologique (lézard vivipare, salamandre tachetée, libellules et demoiselles, couleuvre vipérine, musaraigne aquatique…).

SUR L’ECONOMIE
Les résidus de taille peuvent être valorisés en bois biomasses qui peuvent se substituer aux énergies fossiles. Elles permettent de réduire l’usage de pesticides grâce aux espèces auxiliaires qu’elles abritent et qui s’attaquent aux prédateurs des cultures. Elles peuvent également fournir du fourrage aux animaux d’élevage.

DES STRATEGIES COMPLEMENTAIRES A L'AGROFORESTERIE POUR ACCROÎTRE LA RESILIENCE AGRICOLE 

Le principe est de miser sur la diversité des cultures, des variétés, sur l’étagement des cultures, sur des systèmes racinaires de profondeurs variées, sur une couverture du sol permanente, car ne pas « mettre tous ses œufs dans le même panier » permet de mieux réagir aux aléas (parasites, coups de sécheresse, de chaleur…).

LE CHOIX DES CULTURES

• Choisir des cultures plus tolérantes à la sécheresse (sorgho plutôt que maïs par exemple)
• Associer des cultures consiste à cultiver plusieurs espèces végétales ou variétés sur la même parcelle en même temps. Les plantes peuvent s'échanger divers services (fertilisation, protection contre les stress abiotiques, action répulsive ou toxique sur des insectes spécifiques et/ou des mauvaises herbes). On peut également associer des cultures annuelles à des cultures pérennes, comme des céréales cultivées entre des rangées d'arbres.
  Contrairement aux variétés pures, les variétés de population d’une même espèce ont une grande diversité génétique qui leur permet de s’adapter à l’environnement en perpétuel changement (aléas climatiques, maladies…). Cette diversité confère à ces variétés une rusticité intéressante.
• Mettre en place des rotations culturales longues, avec plus de 2 cultures en alternance. De plus, entre ces cultures, la présence d’un couvert intermédiaire est favorable au sol, et même à la disponibilité de la ressource en eau si ce couvert croît avec les pluies d’automne puis est coupé et maintenu comme couverture passive afin de ne pas gêner la recharge de la nappe, jusqu'à la mise en place de la culture de rente.
• Privilégier les cultures de racines profondes, pérennes, et diversifiées permet de stocker du carbone mais aussi aller chercher l’eau et les nutriments en profondeur de manière efficace.
   

LES COUVERTS D’INTERCULTURE

• Ils améliorent la fertilité des sols (chimique, physique, biologique) grâce à la matière organique et aux nutriments minéraux qu’ils restituent s’ils sont laissés sur place.
• Les systèmes racinaires des couverts sont structurants et assurent la cohésion des particules de terres entre elles. Des sols mieux structurés et plus riches en matières organiques sont moins sensibles aux épisodes climatiques extrêmes, et à l’érosion ou aux travaux du sol.
• Ils peuvent également nourrir le sol en azote (couverts de légumineuses) ou favoriser les pollinisateurs (couverts mellifères…).
   

LE PAILLAGE

• limite les adventices
• améliore le sol en entretenant sa vie biologique
• limite l’échauffement du sol en été et son gel en hiver
• filtre l’eau lors des fortes pluies • limite l’évaporation de l’eau en été.
   

L’ELEVAGE

• Les animaux se nourrissent des végétaux de la prairie, des feuilles des arbres fourragers, et la fertilisent en retour avec leurs déjections, évitant ainsi l’achat d’engrais.
• Les races rustiques (ex pour les vaches : pie noir bretonne, jersiaise…) sont plus robustes et permettent l’entretien du milieu et une économie sur les coûts : moins d’intrants (y compris grains ou granulés de compléments), moins de soins.
   

LES PRAIRIES

• Le cycle « herbivore, sol, plante » favorise la diversité des plantes et de la biodiversité.
• La prairie multi-spécifique combine plusieurs espèces de graminées et/ou légumineuses aux fonctions complémentaires. Elle permet une économie de fertilisation azotée, une production mieux répartie sur l’année, une valeur alimentaire plus équilibrée, une adaptation à l’hétérogénéité des sols et une réponse aux évolutions du climat. Elle produit au moins autant, et souvent plus que l’espèce la plus productive qui la compose, cultivée en pure.

Au vue de son efficience, on préconise l’extension de prairies qui permettent de stocker du carbone à bas prix.

L'EAU ET LE SOL : QUELQUES PRECISIONS

L’eau du sol

L’eau, contenue dans les vides des sols, dépend de leur porosité, fonction de la taille des grains mais aussi de leur structure. Ses propriétés sont impactées par le vivant des sols qui maintient et connecte ces vides. L’eau est maintenue dans les sols par la pression capillaire, mais aussi par la présence d’éléments hydrophiles, comme la matière organique qui joue également beaucoup sur la structure du sol, et favorise la rétention de l’eau. Une partie de l’eau du sol, accessible par les plantes, est qualifiée de « réservoir utile ».
 

La matière organique

La matière organique du sol provient et se nourrit de son activité biologique. En effet, elle provient essentiellement de la biomasse produite dans les racines et au-dessus du sol (résidus de récolte, feuilles des arbres…). Cette matière organique « fournit » la fertilité du sol. Elle contribue aussi à accroître le réservoir utile du sol et sa capacité d’infiltration, réduisant ainsi le ruissellement. La matière organique du sol, en alimentant microbes, bactéries et champignons, contribue à la dégradation de certains contaminants et ainsi à l’épuration de l’eau, améliorant donc sa qualité (cependant les métabolites issus de cette dégradation peuvent également être nocifs).

Les organismes vivants des sols et en particulier les microorganismes

25 % de la biodiversité de la planète est hébergée par les sols, parmi lesquels de nombreux microorganismes (champignons, bactéries) qui dégradent la matière organique et produisent des éléments minéraux assimilables par les plantes. Elle contribue ainsi à la fertilité chimique des sols. Ces éléments minéraux seront mobilisés par les racines des plantes (mycorhizes). La biodiversité facilite l’exploration du sol (prolongement du système racinaire par le mycélium) et la protection des végétaux… Les réseaux d'interactions qui existent entre ces organismes jouent un rôle primordial dans la stabilité de ces fonctions, et notamment dans la protection contre les pathogènes. Plus un réseau est complexe, plus la communauté est stable et fonctionnelle ; les réseaux de microorganismes des sols les plus fonctionnels se trouvent dans les sols forestiers.

L’érosion des sols agricoles
Elle représente une menace considérable. Dix millions d’hectares de terres arables disparaissent chaque année sur la planète. La sensibilité potentielle à l’érosion découle de la combinaison de plusieurs paramètres : l’occupation du sol, la battance, la pente et l’érodibilité, qui dépend elle-même des caractéristiques physiques, chimiques et biologiques des sols, et notamment de sa teneur en matières organiques. L’augmentation des pluies intenses avec le changement climatique est susceptible d’accroitre cet aléa et de générer des coulées de boues parfois très dommageables.